RDC : Flot de billets neufs dans les zones M23, inquiétudes croissantes au sein de la population

Une circulation anormale de francs congolais dans les territoires occupés fait craindre une crise monétaire silencieuse en RDC.
Cette apparition soudaine de billets de banque flambant neufs dans les zones actuellement contrôlées par le mouvement du M23 dans l’Est de la RDC, suscite de vives inquiétudes.
À Goma, à Bukavu et dans plusieurs localités de Rutshuru et de Nyiragongo, les habitants témoignent de l’arrivée massive de billets neufs en francs congolais, parfois encore empaquetés par liasses officielles. Un phénomène troublant qui soulève des interrogations sur leur origine, leur canal d’acheminement et leurs implications géopolitiques.
Depuis début avril, des commerçants, motards et agents économiques locaux affirment avoir vu circuler des billets neufs de 10 000 FC, 20 000 FC et 5 000 FC, 1 000 Fc et 500 Fc, parfois en quantités importantes, dans des villages comme Bunagana, Kiwanja ou encore Tchengerero. Des témoignages recueillis par nos soins indiquent que ces billets sont utilisés pour des transactions ordinaires comme achat de vivres, paiements de taxes locales, ou encore règlement des services.

« J’ai été surpris de recevoir une liasse complète de billets de 10 000 FC neufs lors d’un paiement de marchandises », rapporte un commerçant basé à Kiwanja. « C’était comme si cela sortait directement de la banque… Mais ici, il n’y a pas de banque. »
La principale interrogation porte sur l’origine de cette monnaie. Officiellement, seule la Banque Centrale du Congo (BCC) est habilitée à émettre et mettre en circulation la monnaie nationale, or les zones actuellement sous contrôle du M23 sont inaccessibles aux institutions publiques congolaises depuis des mois.
Cette situation ouvre la porte à plusieurs hypothèses selon les experts en économie monétaire : s’il ne s’agit pas d’un détournement ou une fuite organisée de billets imprimés par la BCC, éventuellement interceptés ou récupérés par des circuits parallèles, il s’agirait donc d’un soutien logistique externe au M23, impliquant des acteurs régionaux soupçonnés d’appuyer les groupes armés à des fins stratégiques, ou carrément une stratégie d’implantation économique du M23 visant à asseoir son autorité sur les populations locales en instaurant une forme de normalité financière.
Pour la population locale, cette situation alimente un climat de suspicion. Certains craignent que ces billets ne soient pas reconnus ou acceptés ailleurs dans le pays, notamment dans les zones contrôlées par le gouvernement. D’autres redoutent une instabilité monétaire ou une manipulation économique par les forces d’occupation.

« Si ces billets sont des faux ou ne sont pas reconnus dans d’autres provinces, c’est notre épargne qui sera perdue », s’inquiète un enseignant déplacé à Rumangabo.
Pour l’instant, ni la Banque Centrale du Congo ni les autorités nationales n’ont communiqué officiellement sur cette situation. Des voix s’élèvent pour exiger une enquête indépendante afin de déterminer la provenance de ces billets et d’en évaluer les implications sécuritaires.
De son côté, la société civile appelle à la vigilance et demande au gouvernement de renforcer la surveillance du circuit monétaire, tout en intensifiant les efforts pour reprendre le contrôle des territoires occupés.
Cette affaire intervient dans un contexte régional tendu, marqué par les accusations persistantes du gouvernement congolais contre le Rwanda, soupçonné de soutenir le M23. Si l’origine des billets confirme une aide externe organisée, cela pourrait constituer un acte de souveraineté économique détourné, voire une tentative de création d’un pouvoir parallèle.
La présence de ces billets neufs dans les zones tenues par le M23 soulève des questions lourdes de conséquences, tant sur le plan économique que sécuritaire. Face à cette anomalie inquiétante, la transparence des autorités, la mobilisation de la communauté internationale et la vigilance des acteurs civils apparaissent plus urgentes que jamais. Car en matière monétaire, le non-dit est souvent plus dévastateur que la crise elle-même, et la question reste entière : jusqu’à quand ce silence ?